Wednesday, August 29, 2012

Papo & Yo


Il était une fois un développeur de jeux qui avait un projet ambitieux. Il s'est bien rendu compte que son poste haut placé chez Electronic Arts ne lui permettrait pas de mener ses idées à terme, et c'est pourquoi il a quitté et fondé sa propre compagnie. Mais contrairement à bien des baroudeurs empruntant un parcours similaire, ce n'est pas le simple désir d'être maître de ses propres affaires ou de concocter un mélange de genres bizarroïde qui a motivé son départ; c'est un vécu difficile que Vander Caballero voulait partager avec quiconque serait prêt à tendre l'oreille. Le magnifique Papo & Yo est le résultat longuement attendu de ce désir.



Très rapidement, Papo & Yo étonne par des qualités rarement observées dans les jeux vidéo de n'importe quelle envergure. D'une part, son sérieux et sa franchise, affichant sans gêne la dureté de son thème et ses racines biographiques. De l'autre, sa couleur et son authentique fantaisie, dont la rafraîchissante liberté allège et enrichit tout à la fois son univers. Et puis, traversant le tout, une concision et une simplicité assurant frustration minimale et accessibilité optimale. Le jeu est réalisé en trois dimensions, mais ses mouvements et concepts évoquent davantage les jeux de plateformes et d'énigmes prenant typiquement place en 2D, leur insertion dans un décor inspiré de São Paulo leur conférant un cachet magique prenant. C'est dans ce croisement de référents ludiques et réels que le jeu trouve sa poésie, l'évasion imaginaire du jeune protagoniste se faisant aussi la nôtre.

Papo & Yo n'est donc pas seulement qu'un jeu d'aventures de très bonne tenue, mais un moment important et singulier pour le jeu vidéo d'auteur. Bien que rude par endroits, sa réalisation technique n'obscurcit jamais un fond d'une impressionnante cohérence ni une progression ludique remarquablement bien huilée. Le sujet est déjà rare -- combien de jeux ont pour héros un jeune garçon noir, en pays étranger, confrontant ses démons intérieurs ? --, mais c'est la qualité, l'échelle et l'attrait universel de l'objet qui en font vraiment quelque chose à célébrer.

Verdict: TRÈS RECOMMANDÉ, pour un accomplissement esthétique témoignant d'une introspection qui fut sans nul doute laborieuse, mais faisant montre d'une générosité d'âme peu commune dans un milieu qui a grand besoin de tels porte-étendards.

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