Tuesday, August 21, 2012

Spec Ops: The Line



J'étais convaincu que je détesterais Spec Ops: The Line. Les entrevues publiées durant son développement présentaient une équipe aux idées ambitieuses, mais opérant dans une sphère commerciale bien trop averse aux risques pour susciter autre chose qu'une vague curiosité. Toutes les images que j'en voyais consolidaient mon scepticisme, et le démo paru quelques semaines avant sa sortie m'a proprement dégoûté. Ultimement, c'est non seulement la curiosité qui l'a emporté, mais le discours interne soutenu par le jeu lui-même qui m'a vendu à sa cause.



De toutes les choses en quoi on peut dire qu'il consiste, The Line est un jeu sur la traîtrise des premières impressions. D'une part, c'est un jeu d'action militaire archi-traditionnel qui, peu à peu, expose puis dénonce l'extrémisme de la violence qui le sous-tend. C'est aussi l'histoire d'un héros qui, découverte après découverte, voit ses convictions ébranlées, ses répères fondre, et ses actions basculer dans la démesure et l'irrationnel. Un thème qui n'est pas exactement neuf ("war is hell" est sans doute l'une des ritournelles les plus éculées de l'art occidental contemporain), mais qui est ici revigoré par un scénario haletant et des sabotages audiovisuels d'une pénétrante efficacité. Cette descente aux enfers est aussi illustrée sans négliger les données moins souvent abordées par les fantaisies militaires: crise sociale, pertes définitives, culpabilité, etc.

Aucune superproduction commerciale depuis Far Cry 2 en 2008 n'avait confronté aussi franchement la sauvagerie en son centre. L'action demeure rudimentaire et la dimension spectaculaire n'est certainement pas négligée, mais la violence y est plus rude, la répétition plus glaçante et les révélations plus troublantes que dans le "shooter" habituel. Riche de sens multiples et puissants, la "ligne" du titre pourrait notamment référer aux frontières abstraites que le jeu navigue habilement: entre raison et folie, entre sérieux et fantasme, entre convention et subversion. Spec Ops: The Line n'est peut-être pas le Apocalypse Now du jeu vidéo (que l'on soit d'accord ou non avec la supposée grandeur du film de Coppola), mais il témoigne d'un regard critique sain dans un milieu qui ne semble pas prêt de démordre d'une dangereuse complaisance.

Verdict: RECOMMANDÉ, pour un jeu de massacre voyant plus loin que le bout de son nez, avec lequel il est possible de tenir un dialogue critique réellement pertinent.

2 comments:

  1. Je t'avais dit que tu finirais par aimer ça ;)
    Aurais-tu perdu la tête en cours de route?

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  2. L'affaire c'est que comme tu sais j'espérais vraiment aimer ça, mais j'avais peur de ne rien trouver à quoi m'accrocher. Finalement j'en ai quand même trouvé, pis ça c'est l'fun quand ça arrive. Ça va pas aussi loin que ça pourrait, mais par bouts ça goale pour vrai et comparé à tout ce qui se fait autour ça fait du bon changement.

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